Vanina Langer

Je ne sais pas si c’est la poule ou l’oeuf et Marguerite non plus.
Comme dit Tina, cela ne sert à rien.
Mais voilà qu’elle se penche pour entrer dans le tableau et marche dans les plis
de la robe de l’Infante. Elle ramasse de petits cailloux qui la mènent à quelques graines
ailées en train de raciner. Fin d’une procession de dispersion. Tina observe après
quelques siècles l’espace éclaté dans ses plans déconstruits, ses bras font des arches et
elle passe au travers. Mais tout droit.
Elle y a laissé des plumes l’Infante avec son rêve de perpétuité, pense-t-elle en me
regardant. Marianne donne naissance à Marguerite, Marguerite fait naître Marianne.
Et puis plus rien. Raté. Pouvoir d’ignorance. Nature d’autruche éthérée. Tempête de
sable. Ce sont les lois, disent les savants d’en ce moment devant les poupées russes
dont les nids font de petits trous infinis.
Je me penche dans la nuit qui rêve de fuir dans un nouveau coin. Ce sont bien
une série de grottes, espaces irréguliers qui s’interpénètrent jusqu’à se coucher dans
les plis des draps du lit. De beaux draps, comme on dit. Je vois le coucher du soleil à
l’envers. Quelle vue, disent-ils aussi lorsqu’ils ont grimpé tout en haut de la montagne.
Je ne sais pas mais je n’irai pas faire la randonnée. Je me penche c’est tout, pas de rang
d’oignons. Je touche mes pieds et après le sol, le sable, la terre qui tourne, et j’attends
que tous les tendons s’étirent et que mes doigts germent dans les pâquerettes, c’est
ma recette. Marguerite n’est pas narcissique, c’est autre chose. Et moi, je reproduis
l’humble motif et je fais la boucle, un triple huit sans bouger, un chromosome
confondu, couché. Je suis une ondulation qui pour une fois ne décolle pas. Ancrée,
comme un bateau vu de loin sur l’horizon. J’étire mes extrémités, mes bras comme des
troncs poussent et s’arc-boutent. Mon cou dans un plongeon sans fin ne deviendra pas
un chat qui tourne en rond. Je n’ai plus de visage et je respire un instant l’éternité.
Suspens, je participe à la dérobade des rois tout en me désaltérant d’un oeuf au plat
posé là.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ma pose ne se fait pas les poches. Non,
c’est dans l’autre sens car ce sont des collines. Un spectateur se penche au-dessus de
nous mais comme le paysage n’a ni queue ni tête, il abandonne. En bon pionnier il
migre vers de nouveaux territoires et se faufile avec Tina jusqu’à l’arrière-plan qui
sombre dans ses rideaux fermés. Ils avancent tout deux. Au fond fuit le point de fuite et
son pointillé fond au soleil comme une comète dans les gommettes qui montent les
escaliers. Une poule et un oeuf se baladent dans les pièces gigognes du château fortifié.
Des chevaliers y montent la garde des générations, attendant l’air contrarié
l’engendrement d’un résultat spontané.

Vanina Langer